#UEMedef 11 : Eric Woerth, du simple fusible au dommage collatéral

La Une de Libé du jour a déjà fait une victime sur cette université d’été. Ce matin, Eric Woerth a en effet soudain annulé sa participation à la table ronde sur le thème Plus forts après la crise.

Selon les indiscrétions recueillies sur place, cette annulation est survenue en toute dernière minute, raison pour laquelle elle ne figure pas sur l’addendum prévu à cet effet. Hasard ou coïncidence ?

Il faut dire que les accusations portées par la juge Isabelle Prevost-Desprez à l’encontre de Nicolas Sarkozy -liées notamment à l’affaire Bettencourt- n’arrangent guère l’ancien ministre, déjà fort mis à mal par cette affaire.

Ambiance de fin de règne au Gouvernement

Le feuilleton de l’affaire Bettencourt et ses ramifications auront survécu à l’été, et pèsent aujourd’hui sur le dossier des retraites. A tel point que François Fillon est en première ligne pour prêter main forte à son ministre.

Un seul constat : Eric Woerth aurait du démissionner. Certes, il est présumé innocent et personne ne le condamne, mais sa fonction de ministre exige qu’il soit à la tâche. Les syndicats eux-mêmes déplorent le fait d’avoir à s’exprimer davantage sur la situation du ministre que sur le fond du dossier. L’action publique est détournée. Chacun doit prendre ses responsabilités pour enfin revenir à un climat de travail plus serein.

Mais est-ce encore possible ? Claude Guéant a annoncé dimanche sur Europe 1 que le remaniement aurait lieu en novembre. C’est le feuilleton de la rentrée ! Après l’annonce maladroite du remaniement dès juin, indiquant qu’il aurait lieu en octobre, l’échéance est encore repoussé d’un mois pour l’équipe gouvernementale… qui voit son calvaire prolongé. Faute de savoir qui fera partie de la prochaine équipe, le gouvernement ne peut être dans l’action dont a pourtant besoin la France !

L’avenir de François Fillon n’est pas décidé, ce qui le met également en position délicate. D’autant que Jean-Louis Borloo est bien décidé à remporter sa part du gâteau. Hum, qui de ces deux là l’emportera ? Suite au prochain épisode ! Quant à Xavier Bertrand, il est contesté dans sa gestion du parti par Jean-François Copé, dont il se murmure qu’il aimerait quitter le groupe pour le remplacer. Pour compliquer un peu plus l’équation, François Fillon –au cas où son avenir serait hors de Matignon- serait aussi intéressé…

Il est dramatique de voir ce gouvernement se perdre dans les règlements de compte et autres baux précaires. Il serait tellement plus opportun de se concentrer sur les attentes des français, à savoir des propositions concrètes pour faire face aux enjeux qui attendent notre pays. Vœu pieu ?

Sarko, le bug : rupture de la connexion avec le peuple

Durant toute sa campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy est apparu comme l’homme fort de la fin des années 2000. Celui qui ne reculerait devant rien. Celui dont l’énergie déplacerait des montagnes. Un homme de pouvoir doté d’une telle capacité à bouger que rien ni personne ne pourrait l’atteindre. Dans l’imaginaire collectif, Sarkozy était un roc. Et tout a basculé.

Au delà des nombreux couacs internes à la majorité, que ce soit les prises de position de ministres, ou les votes par erreur humaine (ou pas) de certains parlementaires, par deux fois, Sarkozy lui-même a franchi la ligne jaune. Par deux fois, le pouvoir en place a tenté de faire de jolis cadeaux aux hautes sphères, à l’image de ces rois qui n’entendaient pas le peuple gronder. Et été obligé de reculer, pour éviter de consommer le divorce avec une population qui ne fait plus confiance aux politiques. Par deux fois, le chef a perdu sa légendaire Sarko’s touch.

Première affaire, en novembre 2009. Nicolas Sarkozy, soucieux de préparer sa succession dans son fief des Hauts de Seine, veut faire monter en puissance son fils Jean. Politiquement, cela se comprend. Mais il s’y prend mal, en voulant faire nommer le gamin, en échec universitaire et novice en politique, à la tête de l’EPAD de la Défense. La nouvelle choque fortement l’opinion. Dans un premier temps, la Cour défend le Prince. Mais face aux accusations de népotisme, et à l’effet dramatique dans l’opinion, Sarkozy recule. Premier gros revers pour un homme qui avait démontré jusque là son habileté politique.

Seconde affaire, en janvier 2010. Henri Proglio, ancien patron de Véolia, cumule son salaire de PDG d’EDF avec une indemnité de président non exécutif du conseil d’administration de Véolia. Contrairement à la promesse faite au moment de sa nomination chez EDF par Christine Lagarde qu’il ne conserverait qu’une nomination. Comme pour l’affaire Jean Sarkozy, la nouvelle choque, la Cour s’empresse de justifier les faits, avant de perdre la main lorsqu’in fine, Proglio renonce à toucher l’indemnité de Véolia. Une seconde fois, Sarkozy n’a pas su sentir l’opinion et trancher dans le bon sens.

Après seulement deux ans et demi de pouvoir, il reste politiquement incompréhensible qu’autant d’erreurs se soient accumulées. Pourquoi après l’été, la machine s’est autant emballée ? Pourquoi personne n’a pu arrêter le massacre ? Comment se fait-il que personne n’ait anticipé une telle gabgie ? Comment un homme qui clamait tant sa proximité avec le peuple a pu oublier son objectif premier ?

Outre les couacs internes à la majorité, en à peine 3 mois, Nicolas Sarkozy a subi un énorme bug dans le logiciel « proche du peuple ». Et sa Cour, rompue aux courbettes et incapable de réfléchir à la meilleure manière de protéger son boss, s’est acharnée à défendre ses prises de position.

Ministres comme wanna-be-ministres, les mêmes ont tenu les discours les plus invraisemblables, au nom de la solidarité gouvernementale. Les Eric Woerth, Luc Chatel, Dominique Paillé, Nadine Morano, sans oublier l’incontournable et insupportable Frédéric Lefèbvre, ont répandu leurs flatteries sur les ondes, fut-ce dans l’erreur.

Délaissant le sens politique au profit du sens de la survie gouvernementale, ils sont devenus les bouffons du roi. Cette Cour, théoriquement constitués d’esprits brillants, s’est tellement auto-censurée qu’elle ne parvient plus à jouer son rôle de garde-fous. Rassurant le maître sur sa grandeur, elle a largement contribuer à le couper du peuple et de cette connexion privilégiée dans laquelle il aimait tant puiser.

Désormais, lorsque le roi triste sort de sa tour d’ivoire, il ne se déplace plus qu’avec des cars de CRS, et l’on s’assure avant d’un casting complaisant. Dès lors, faute de rencontrer la France, il ne peut plus que l’imaginer. Sans que jamais personne ne vienne questionner ses idées. Coincé dans son palais doré, prisonnier d’une Cour incapable d’esprit critique et de lien avec le terrain, le chef a buggé.

Eric Woerth : un simple sarkofusible

Le 17 mai dernier, Eric Woerth a connu un grand moment. Il a retrouvé son poste de Ministre de la Fonction publique (et des Comptes) dont il rêvait depuis le début juin 2005, date à laquelle il avait eu le choc de sa vie : ne pas être renouvelé ministre dans le Gouvernement Villepin.

Oui mais voilà, après cet instant de jouissance, les nuages se sont amoncelés. Le chef du Gouvernement n’est plus Raffarin, et n’est même pas Fillon, Premier ministre potiche tout juste présent parce que la Constitution en impose un. Non, le patron, c’est Nicolas Sarkozy.

Et un ministre, selon Sarkozy, c’est un testeur. C’est un politique qui fait des propositions, qui lancent des idées. Et ensuite, en fonction des réactions, le patron réajuste. Quitte à contredire le ministre.

C’est la mésaventure qui est arrivée hie à Eric Woerth. Ministre des Comptes, en charge de tenir les finances, il a annoncé que la déduction des intérêts des emprunts immobiliers serait valable uniquement pour les prêts concernant l’achat d’une résidence principale contractés après le 6 mai.

Hier, au cours de son meeting au Havre, Nicolas Sarkozy a recadré son ministre : tous les emprunts immobiliers en cours seront concernés. Et tant pis pour les états d’âme éventuels d’Eric Woerth, ils n’ont pas leur place : que ce soit bien clair, le ministre n’est qu’un sous-fifre et la star, c’est Sarkozy. Et il doit tirer le maximum de bénéfices de tout ce qui se passe en politique, quitte à griller ses troupes.

Qu’Eric Woerth soit prévenu : c’est le prix à payer pour être ministre… Ceci dit, je ne pleurerai pas sur le sort de cet homme, qui a tourné sa veste à l’instant même où il a appris qu’il n’était pas du gouvernement Villepin.

Quand on manque à ce point de convictions, et que l’on dirige sa vie politique par la seule ambition d’être ministre, on peut bien avaler quelques chapeaux… Faute d’avoir le courage d’être soi, on n’a que le rôle que l’on mérite : simple fusible…